Palacios et les frères Padrós : les bâtisseurs du Madrid FC
Les origines du Real Madrid remontent aux dernières lueurs du XIXe siècle. En 1899, Julián Palacios, ingénieur des mines, et les frères Padrós (Juan et Carlos), propriétaires d’un commerce de tissus à Madrid, posent les premières pierres de la Maison Blanche. Le 6 mars 1902, le « Madrid Football Club » existe officiellement. Juan Padrós devient alors le premier président du Madrid FC. C’est sous son impulsion que le club est formalisé, les statuts déposés, et les premières compétitions structurées.
Madrid, 18 avril 1902, Juan Padrós : « Juan Padrós y Rubio, de Madrid Commerce, domicilié Calle de los Madrazo, 25-3Q izquierda, vous soumet respectueusement ce qui suit : dans le but de constituer une société de jeux sportifs, qui s’appellera Madrid Football Club, je soumets à votre approbation les bases qui la régiront ». Le club gagne ses lettres de noblesse en 1920, lorsque le roi Alphonse XIII lui octroie le titre de « Real », signifiant « Royal » en Espagnol.
1905 : premier trophée pour le Madrid FC
En 1905, le Madrid Football Club débute sa prestigieuse épopée nationale en conquérant la Coupe du Roi aux dépens de l’Athletic Bilbao (1‑0). Il enchaîne ensuite trois titres consécutifs (1906, 1907, 1908). Simultanément, l’équipe règne sans partage sur le championnat régional de Madrid, remporté cinq fois d’affilée entre 1904 et 1908.
Les héros de l’époque s’appellent Luciano Lizárraga, Álvarez Quevedo, Manuel Alcalde, Eugenio Bisbal, Berraondo Insausti, Enrique Normand, Pedro Parages, Manuel Prast, Antonio Alonso, Federico Revuelto, Manuel Yarza… Ces noms esquissent les racines profondes d’une légende intemporelle : le Real Madrid.
Les années 30 : éclats de victoire dans l’ombre de la guerre civile
Devenu le Real Madrid, le club poursuit son ascension sur la scène nationale en décrochant, en 1932, son tout premier titre de champion d’Espagne. Une saison historique, marquée par l’empreinte de l’entraîneur Lippo Hertzka, au cours de laquelle l’équipe achève l’exercice invaincue.
C’est durant cette période que les joueurs du Real Madrid héritent du surnom de « merengues », en clin d’œil à la blancheur éclatante de leur maillot, rappelant celle de la meringue, dessert emblématique de légèreté et de pureté. Les meilleurs joueurs espagnols font alors le bonheur du Real Madrid : Ricardo Zamora, Ciriaco Errasti, Luis Regueiro, Jacinto Quincoces, Jaime Lazcano, Leoncito…
La Maison Blanche enchaîne avec un second titre de champion en 1933, puis deux succès en Coupe du Roi en 1934 et 1936. L’éclatement de la Guerre civile (1936-1939) met néanmoins fin à cette ère de domination nationale. En 1943, un certain Santiago Bernabéu (joueur du club entre 1911 et 1926) accède à la présidence du Real Madrid, entamant une ère de transformation profonde. Douze ans plus tard, en 1955, le « nouveau stade Chamartín », inauguré en 1947, est rebaptisé en son honneur : il devient le mythique stade Santiago Bernabéu.
1955-1966 : la suprématie européenne
Sous les ordres successivement de José Villalonga, de Luis Carniglia, de Manuel Fleitas Solich et de Miguel Muñoz, le Real Madrid s’impose comme le roi d’Europe en remportant les cinq premières éditions de la Coupe des clubs champions européens : 1956 (4-3, Stade de Reims), 1957 (2-0, Fiorentina), 1958 (3-2, AC Milan), 1959 (2-0 Stade de Reims), et 1960 (7-3, Eintracht Francfort). Des joueurs, désormais légendaires dans l’histoire madrilène, se distinguent sur le terrain : Raymond Kopa, Ferenc Puskás, Alfredo Di Stéfano, ainsi que Francisco Gento pour ne citer qu’eux. Le Real Madrid évolue dans un redoutable 3-2-5 offensif, un schéma qui terrifie les défenses adverses.
En 1960, la Maison Blanche ajoute une nouvelle page à son palmarès en remportant la toute première Coupe Intercontinentale. Après un match aller nul et vierge 0-0 face au Club Atlético Peñarol (Uruguay), le Real Madrid s’impose largement 5-1 lors de la rencontre retour. Dans le même temps, le club merengue confirme son emprise sur le football espagnol en remportant cinq championnats d’Espagne d’affilée, de 1961 à 1965. En 1966, le club conquiert sa sixième Coupe d’Europe en battant le Partizan Belgrade sur le score de 2-1 en finale.
1966-1998 : la période du creux continental
Ce chapitre de l’histoire du Real Madrid n’est certes pas le plus reluisant mais toutes les pages ne sont pas pour autant à jeter. Notamment celles situées entre 1981 et 1990. La « Quinta del Buitre », que l’on peut traduire par « la bande du vautour », est le symbole d’un passage glorieux marqué par une équipe « faite maison ».
En effet, cinq joueurs du Castilla en particulier – Miguel Pardeza, Manolo Sanchís, Míchel, Rafael Martín et Emilio Butragueño (le vautour) – mènent le club merengue vers une une série de cinq sacres d’affilée en championnat (1986-1990), deux Coupes de l’UEFA (1985, 1986), deux Coupes du Roi (1982, 1989) et trois Supercoupes d’Espagne (1988, 1989, 1990).
Hugo Sánchez, Juanito et Jorge Valdano contribuent aussi fortement à cette réussite. Par ailleurs, le règne de Santiago Bernabéu prend fin (1943-1978) et c’est Luis de Carlos qui lui succède. En revanche, la Maison Blanche ne parvient plus à goûter à la saveur d’un titre en Coupe des clubs champions européens et son compteur reste bloqué à six trophées.
1998-2002 : le retour aux affaires
Après 32 ans de disette en Ligue des champions (appelée ainsi à partir de 1992), le Real Madrid inscrit une septième fois son nom sur ce trophée mythique en 1998 : victoire 1-0 contre la Juventus Turin en finale. Des joueurs comme Fernando Hierro, Roberto Carlos, Fernando Redondo, Clarence Seedorf, Raúl González, Fernando Morientes ou encore Predrag Mijatović marquent de leur empreinte la Maison Blanche.
Deux ans plus tard, naît l’ère des Galactiques, avec les venues de Luís Figo, de Zinédine Zidane, de Ronaldo Nazário et de David Beckham. Iker Casillas et Guti commencent quant à eux à pointer le bout de leur nez. Sous les ordres de Vicente del Bosque, le Real enchaîne un huitième sacre en Ligue des champions cette même année (2000), avec un succès 3-0 face à Valence. Rebelote en 2002. Zinédine Zidane inscrit un but historique d’une reprise de volée du pied gauche suite à un centre de Roberto Carlos : 2-1 versus Leverkusen. Le club merengue n’est plus qu’a un pied de la passe de 10…
2002-2014 : l’attente de la Décima face à la domination barcelonaise
L’ère des Galactiques, inaugurée en grande pompe au tournant du siècle, ne parviendra pas à faire rayonner Madrid sur le toit de l’Europe, malgré des débuts prometteurs. Les étoiles se succèdent pourtant dans la Maison Blanche : Michael Owen, Robinho, Ruud van Nistelrooy, Gonzalo Higuaín, Fabio Cannavaro, Arjen Robben, Wesley Sneijder, Javier Saviola… Autant de noms prestigieux, censés ramener la gloire continentale, mais qui échoueront à restaurer l’hégémonie européenne du club.
Pendant ce temps, c’est l’ennemi juré qui prend le pouvoir. Le FC Barcelone de Frank Rijkaard puis de Pep Guardiola bâtit un empire de jeu et de titres, empilant les Ligues des champions (2006, 2009, 2011). Sur la scène nationale, en revanche, le Real Madrid reste digne : quatre titres de champion entre 2002 et 2014, contre six pour les Blaugranas. Le mal madrilène se trouve ailleurs : dans l’instabilité chronique qui ronge les fondations du club. Douze entraîneurs se succèdent en douze ans, symbole d’une Maison Blanche en quête d’identité : Vicente del Bosque, Carlos Queiroz, José Antonio Camacho, Mariano García Remón, Vanderlei Luxemburgo, Juan Ramón López Caro, Fabio Capello, Bernd Schuster, Juande Ramos, Manuel Pellegrini, José Mourinho et enfin Carlo Ancelotti.
2014-2024 : l’empire au quinze couronnes
Après douze années d’attente, le Real Madrid accroche la fameuse Décima (dixième) à Lisbonne. Menés tout au long de la rencontre par l’Atlético, les Madrilènes arrachent les prolongations grâce à un but de la tête signé Sergio Ramos, sur un corner de Luka Modrić (93e). En prolongations, le club merengue déroule et l’emporte 4-1. Gareth Bale, Marcelo et Cristiano Ronaldo sont les trois autres héros du soir. Carlo Ancelotti triomphe là où beaucoup ont échoué avant lui.
Puis, sous l’ère Zinédine Zidane, le Real réalise un exploit monumental, remporter la Ligue des champions trois fois de suite : 2016, Atlético (1-1, 5-3 t.a.b), 2017, Juventus Turin (4-1) et 2018, Liverpool (3-1). Et de 13 pour la Maison Blanche. L’équipe composée de Keylor Navas, Dani Carvajal, Pepe, Sergio Ramos, Marcelo, Luka Modrić, Casemiro, Toni Kroos, Gareth Bale, Karim Benzema et Cristiano Ronaldo marchent sur l’Europe. À la suite de cette épopée historique, un séisme secoue Madrid : CR7 quitte le club et rejoint la Juventus Turin. Après 438 matchs, 451 buts et 131 passes décisives, Cristiano fait ses adieux à Madrid.
Mais l’institution madrilène demeure supérieure aux joueurs, quels qu’ils soient. Les footballeurs passent, le Real demeure. En 2022, les hommes de Carlo Ancelotti (de retour au club) glane une quatorzième Ligue des champions face à Liverpool sur le score de 1-0. L’équipe castillane s’appuie sur une nouvelle génération – Vinícius Júnior, Rodrygo Goes, Fede Valverde, Éder Militão, Eduardo Camavinga, Ferland Mendy – tout en gardant un noyau solide de joueurs expérimentés comme Karim Benzema, Toni Kroos, Luka Modrić, Casemiro, Dani Carvajal, David Alaba et Thibaut Courtois.
La transition continue au Real Madrid. Marcelo, Casemiro, Isco, Bale et Benzema voguent vers de nouveaux horizons. Antonio Rüdiger, Aurélien Tchouaméni, Jude Bellingham et Joselu viennent notamment renforcer l’effectif de Carlo Ancelotti. Par ailleurs, Nacho s’impose comme un leader défensif. Les merengues vont chercher une quinzième Ligue des champions en 2024 avec un succès 2-0 contre le Borussia Dortmund. Une nouvelle dynastie est née. En tout et pour tout, le Real Madrid conquiert six Ligues des champions (2014, 2016, 2017, 2018, 2022, 2024) en l’espace de onze éditions (2014-2024).
Palmarès du Real Madrid
Championnat d’Espagne (36) : 1932 1933, 1954, 1955, 1957, 1958, 1961, 1962, 1963, 1964, 1965, 1967, 1968, 1969, 1972, 1975, 1976, 1978, 1979, 1980, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, 1995, 1997, 2001, 2003, 2007, 2008, 2012, 2017, 2020, 2022, 2024.
Coupe du Roi (20) : 1905, 1906, 1907, 1908, 1917, 1934, 1936, 1946, 1947, 1962, 1970, 1974, 1975, 1980, 1982, 1989, 1993, 2011, 2014, 2023.
Supercoupe d’Espagne (13) : 1988, 1989, 1990, 1993, 1997, 2001, 2003, 2008, 2012, 2017, 2020, 2022, 2024.
Ligue des champions (15) : 1956, 1957, 1958, 1959, 1960, 1966, 1998, 2000, 2002, 2014, 2016, 2017, 2018, 2022, 2024.
Coupe de l’UEFA (2) : 1985, 1986.
Supercoupe d’Europe (6) : 2002, 2014, 2016, 2017, 2022, 2024.
Coupe Intercontinentale (3) : 1960, 1998, 2002.
Coupe du monde des clubs (6) : 2014, 2016, 2017, 2018, 2022, 2024.